Ce mardi soir, Alstom et Siemens ont officialisé par un protocole d’accord le rapprochement de leurs activités ferroviaires, qui passent sous contrôle du groupe allemand. Avec quelles conséquences pour l’emploi, notamment chez nous, où Alstom emploie 1 200 personnes à Petite-Forêt ? (Par Jean-Marc Petit | Publié le 26/09/2017 VOIX DU NORD ).
L’alliance Alstom-Siemens donne naissance au numéro deux mondial (en volume) pour le matériel ferroviaire roulant, au numéro un pour la signalisation, pour un chiffre d’affaires global d’environ 15 milliards d’euros avec 60 000 salariés. PHOTO ARCHIVES AFP
Ils étaient concurrents de toujours, les voilà bientôt mariés. Le français Alstom est l’inventeur du TGV.
L’allemand Siemens a construit le premier métro automatique du monde, le VAL de Lille. La fusion des deux crée le numéro deux mondial du rail. Mais pose aussi beaucoup de questions.
Pourquoi ce mariage ?
Pour Philippe Vasseur, commissaire à la réindustrialisation des Hauts-de-France et auteur d’une « Feuille de route régionale pour la filière ferroviaire », « Alstom, Bombardier et Siemens ont longtemps dominé le marché ferroviaire mondial. Cependant, depuis une dizaine d’années, leur position a été complètement remise en cause. Le géant chinois CRRC pèse à lui seul plus que Siemens, Alstom et Bombardier réunis. Il fallait donc réfléchir à la constitution d’un Airbus du ferroviaire capable de résister à une telle concurrence. » L’alliance Alstom-Siemens donne naissance au numéro deux mondial (en volume) pour le matériel ferroviaire roulant, au numéro un pour la signalisation, pour un chiffre d’affaires global d’environ 15 milliards d’euros avec 60 000 salariés.
Mariage entre « égaux » ?
C’est ce qu’affirme le protocole signé ce mardi soir. « C’est un faux Airbus du rail, fulmine pourtant Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France. Dans Airbus, il y a l’État. Où est-il là ? Il se désengage. Ce qui est en train de se passer, c’est tout simplement la disparition d’Alstom, même si on nous fait croire qu’on va garder le nom, le siège et le PDG. Mais pour combien de temps ? Je ne vois pas de politique industrielle digne de ce nom dans ce pays. »
Le commentaire est évidemment très politique, mais révèle le malaise. Car l’État français, qui siège actuellement au conseil d’administration d’Alstom via des actions prêtées par Bouygues, « confirme mettre fin au prêt de titres au plus tard le 17 octobre 2017 et qu’il n’exercera pas les options d’achat données par Bouygues », précise le protocole. Bref, l’État ne sera plus actionnaire. Le conglomérat allemand va monter au capital d’Alstom à hauteur de 50 %, en échange de l’apport de ses activités ferroviaires (matériel roulant et signalisation) au groupe français. Qui conserve son siège de Saint-Ouen et son PDG Henri Poupart-Lafarge.
Des craintes pour l’emploi ?
« Nous avons de vraies inquiétudes », explique Vincent Jozwiak, délégué FO du site Alstom de Petite-Forêt, spécialisé dans la conception et fabrication de métros (Lyon, Hanoï, etc.), tram-train, RER (pour l’Île-de-France), et qui abrite également le centre des habillages intérieurs des trains. « Que ce soit Alstom ou Siemens, nous proposons les mêmes gammes de produits. On imagine mal Siemens dédoubler ses unités de production d’un pays à l’autre. Il y aura forcément de la casse, en France comme en Allemagne. »
« Et je ne pense pas que notre concurrent Bombardier reste les bras ballants, renchérit Samir Dardari de la CGT. S’ils veulent vraiment développer un Airbus du rail, d’autres constructeurs vont se positionner. Les restructurations se feront bon gré, mal gré. »
La première région ferroviaire de France
Cinq constructeurs mondiaux sont présents dans les Hauts-de-France : Alstom, Bombardier, Siemens, Titagahr et Faiveley. La région concentre près de 50 % des emplois directs de l’industrie ferroviaire (10 000 salariés, contre 21 000 en France). L’épicentre est le Valenciennois avec le site d’Alstom Petite-Forêt (1 200 salariés) et celui de Bombardier à Crespin (1 600 salariés). Sans oublier l’Agence européenne du ferroviaire, le pôle de compétitivité I-Trans, l’IRT Railenium, l’AIF, le plus ancien cluster ferroviaire français. Siemens dispose d’un centre d’ingénierie à Lille.